La gestion et la protection des renseignements de santé et de services sociaux ont été au cœur de nombreux débats depuis le début de pandémie. La table ronde « Accès aux données de santé » du Forum de l’industrie de la santé a permis d’en aborder les avancées, les balises et les occasions.
La diversité des secteurs représentés par les participantes et les participants de la table ronde « Accès aux données de santé », tenue le 7 décembre dernier dans le cadre du Forum de l’industrie de la santé, a permis d’avoir une conversation 360 degrés sur la valeur des données de santé. Les panélistes ont débattu notamment de la place des patients, de l’éducation et la littératie, du rôle des entreprises, de l’acceptabilité sociale, de gouvernance et de la valorisation des données.
« Nous passons d’une époque de protectionnisme des données, à une ère de mobilisation sécuritaire et éthique des données, a résumé d’entrée de jeu Carole Jabet, directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec-Santé ». Le ton était donné.
« Québec a un avantage distinctif : son positionnement en santé durable lui permet d’envisager la santé de façon intersectorielle et interconnectée. » – Carole Jabet, Directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec-Santé
Avant de lancer la première ronde de questions aux membres de la table ronde, Mme Jabet réservait une surprise aux participantes et aux participants de l’évènement. En effet, Marc-Nicolas Kobrynsky, Sous-ministre adjoint de la Santé et des Services sociaux était présent pour discuter d’un nouveau projet de loi, le projet de loi 19 intitulé « Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives ». En préparation depuis le mois de janvier 2021, le projet de loi venait tout juste d’être présenté à l’Assemblée nationale.
Projet de loi 19
Rappelons qu’un projet de loi qui promet de transformer la culture de récolte, d’accès et de valorisation des données de santé est attendu depuis longtemps au Québec. M. Kobrynsky a d’abord pris quelques minutes pour préciser la vision du ministère de la Santé et des Services sociaux à l’égard de la gouvernance des données. Issue du travail d’une table d’experts ainsi que des consultations publiques effectuées au cours de la dernière année, cette vision identifierait trois objectifs : 1) la mobilité des données entre les points de services, 2) la valorisation des données pour améliorer la qualité des soins et des services et 3) la valorisation des données par les équipes de recherche pour stimuler la création de nouveaux savoirs.
La haute valeur de l’utilisation des données n’est plus à faire pour toute personne ou organisation qui est en mesure de les utiliser. À tout moment, en ce moment même, de grandes quantités de données sont déjà produites par les appareils médicaux dans nos hôpitaux, dans les cliniques, ainsi par les appareils mobiles individuels, ont tenu à rappeler Benoît Larose, vice-président à Medtech Canada et Anie Perrault, directrice générale à BIOQuébec.
Concernant la gestion des données, de nouvelles réglementations seraient bienvenues par les entreprises, dit Benoît Larose. Les entreprises évoluent déjà dans un univers hautement réglementé. Cela dit, les entreprises développent des solutions pour répondre à des enjeux les plus universels possibles. Pour assurer que nous puissions accueillir au Québec les solutions développées par notre industrie, il serait important que nos normes s’arriment avec les normes en vigueur à plus large échelle, fait valoir Benoît Larose.
Participation citoyenne
Invité à s’exprimer sur le récent sondage Léger sur l’acceptabilité sociale du partage des données des patients, Vincent Dumez, Directeur des partenariats communautaires à la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal, s’est montré optimiste. Ce récent sondage, commandé par les Fonds de recherche du Québec-Santé en partenariat avec Génome Québec, laisse entendre que les Québécois sont en grande majorité prêts à partager leurs données de santé si cela peut servir la recherche médicale. Vincent Dumez s’est d’abord réjoui des résultats du sondage, lui-même étant un ambassadeur des patients partenaires et de leurs rôles et ayant participé à des projets de recherche qui ont amélioré sa qualité de vie. Même son de cloche du côté de Nathalie de Marcellis-Warin, chercheure à l’Observatoire international sur les impacts sociaux de l’IA et du numérique (OBVIA).
« L’accessibilité des données de santé est un contrat social : oui, les données seraient disponibles aux équipes de recherche pour leurs projets, et cette accessibilité contribuerait directement à la vie des citoyennes et des citoyens. » – Vincent Dumez
Autre point de consensus : la nécessité de bâtir et maintenir la confiance de la population. Créer et déployer de nouvelles technologies n’est pas nouveau en soi, mais résoudre les enjeux populationnels nécessite des outils de plus en plus complexes et de plus en plus éloignés du quotidien des gens. « Une confiance qui se bâtira entre autres en améliorant l’éducation scientifique et la littératie numérique de nos jeunes », a noté Jean-Pierre Després, directeur scientifique de VITAM – Centre de recherche en santé durable.
« Une meilleure confiance de la population dans les outils basés sur les processus d’intelligence artificielle sera essentielle. Les nouvelles technologies de prédiction fondées sur l’intelligence artificielle nous permettront d’identifier les actions dans lesquelles investir pour augmenter le niveau de santé à l’échelle populationnelle. » – Nathalie de Marcellis-Warin
Dimensions de la santé durable
La quantité et la diversité de données qui pourraient être utilisées semblent sans fin. Jean-Pierre Després a rappelé que les données cliniques individuelles ne sont qu’un sous-ensemble du tableau de notre vision de santé durable. La qualité de l’air, du sol, de nos aliments, l’accès aux infrastructures publiques permettant de se déplacer de façon collective ou active, la participation citoyenne ou encore les changements climatiques et les projets collaboratifs entre les communautés sont autant d’exemples de secteurs qui doivent être pris en considération.
Une vision en pleine cohérence avec celle de santé durable qui motive de nombreuses organisations présentes autour de cette table ronde.
Pour un avenir en meilleure santé
À tour de rôle, les panélistes ont finalement exprimé leur souhait pour un avenir en meilleure santé. Nous vous offrons ici une synthèse de leurs souhaits :
- Une culture d’échange entre les milieux médicaux, d’affaires, de recherche, ainsi qu’une participation citoyenne accrue dans la gouvernance, dans la recherche et dans les soins.
- Que les essais cliniques soient faits ici pour développer des médicaments adaptés à la population québécoise, ce qui implique une culture de collaboration, en toute transparence et en toute sécurité.
- Que le patient partenaire puisse consulter son carnet santé pour accéder à ses données classées en fonction de ses pathologies, qu’il comprenne comment ses données auront été utilisées et qu’il puisse se proposer pour participer au développement de nouveaux traitements. Un patient partenaire connecté et qui peut s’impliquer.
- Que dans 5 ans aucune entreprise en biotechnologie ne doive aller à l’étranger pour développer leurs solutions.
- Que tout processus de développement d’initiatives se fasse dans un cadre d’innovation responsable, éthique, en toute transparence et bien communiqué.
- Que le milieu de soins et les patients bénéficient d’une plus grande fluidité des données issues des 1re, 2e et 3e lignes du système de santé et de services sociaux.
Le Forum de l’industrie de la santé de Québec (FISQ), organisé par Québec International et Québec VITAE, en partenariat avec le Gouvernement du Québec et de nombreuses entreprises et associations sectorielles, s’est déroulé en mode virtuel les 7, 8 et 9 décembre 2021.
Ressources
Les panélistes:
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Carole Jabet, Directrice scientifique, Fonds de recherche du Québec – Santé
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Marc-Nicolas Kobrynsky, Sous-ministre adjoint de la Santé et des Services Sociaux, Gouvernement du Québec
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Nathalie de Marcellis-Warin, Chercheuse, OBVIA
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Vincent Dumez, Directeur des partenariats communautaires, Faculté de Médecine de l’Université de Montréal
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Jean-Pierre Després, Directeur scientifique, VITAM-Centre de recherche en santé durable, CIUSSS de la Capitale-Nationale
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Benoît Larose, Vice-président, Québec, Medtech Canada
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Anie Perrault, Directrice générale, BIOQuébec
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Philippe Lachapelle, Directeur de la performance clinique et organisationnelle, CHU de Québec – Université Laval
Pour en savoir plus sur cette table ronde, visitez le https://www.quebecinternational.ca/fr/conferences/acces-aux-donnees-de-sante-20211207-144500.