Le transport collectif et actif, l’alimentation durable et le verdissement des villes étaient au cœur d’une table ronde, deuxième activité de sensibilisation de la nouvelle campagne Climat, santé, action!, organisée par des étudiantes et étudiants en sciences de la santé
En 2009, d’éminents chercheurs ont déclaré, dans la très réputée revue The Lancet, que les changements climatiques seraient la plus grande menace à la santé des populations au cours du 21e siècle. Depuis, la recherche et la formation sur le sujet se sont intensifiées. À preuve, l’Université Laval a récemment lancé un microprogramme de deuxième cycle en santé durable et changements climatiques.
Malgré tout, la formation en sciences de la santé n’est pas encore totalement adaptée à cette réalité et la population demeure mal informée sur le sujet. C’est pourquoi des étudiantes et étudiants en médecine, en sciences infirmières, en pharmacie et en sciences sociales se sont regroupés pour lancer la campagne Climat, santé, action! afin de sensibiliser les futurs professionnels de la santé, mais aussi les professionnels présentement en exercice et la population en général, aux répercussions des changements climatiques sur la santé.
«On pense que privilégier l’angle de la santé est une bonne façon d’aborder les changements climatiques afin d’inciter les gens à changer leurs habitudes. La santé, ça touche intimement chaque personne, alors qu’un ours polaire sur une banquise qui fond peut laisser beaucoup de personnes indifférentes», affirme la coordonnatrice en mobilisation des connaissances de la Chaire Littoral et responsable de la campagne Santé, climat, action!, Rebecca Hennigs.
La campagne, appuyée par la Chaire Littoral, a été lancée officiellement le 9 février dernier avec la tenue d’une table ronde virtuelle sur le thème «Sauver le climat pour sauver des vies». Cette première activité a réuni 70 à 80 personnes et a généré plus de 400 interactions sur Facebook. «Le succès du premier événement nous a surpris. On visait les étudiants, mais beaucoup de professionnels en exercice se sont joints à l’événement Facebook. Il y a même eu un participant de la Belgique! Pour notre plus grand bonheur, une étudiante en médecine qui fait partie du comité organisateur de la campagne a rapporté qu’un de ses professeurs a parlé en classe de changements climatiques à la suite de la première activité!», révèle avec fierté Rebecca Hennigs.
Agir pour rester en santé
Le 16 mars avait lieu la deuxième activité de la campagne, une table ronde intitulée «L’action climatique, c’est bon pour notre santé». Pour souligner la pertinence et l’opportunité de l’événement, l’animateur de la discussion, le professeur Thierno Diallo de la Faculté des sciences infirmières, a rappelé que la campagne coïncide avec la publication de deux rapports importants sur la santé et les changements climatiques, soit Changement climatique 2022: impacts, adaptation et vulnérabilité du deuxième groupe de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement: faire progresser nos connaissances pour agir de Santé Canada, tous deux parus en février 2022.
Les trois intervenants de la table ronde, Mélanie Beaudoin, coordonnatrice de l’équipe sur les changements climatiques de l’Institut national de santé publique du Québec, Étienne Grandmont, directeur général d’Accès transports viables, et Catherine Lefebvre, nutritionniste et coanimatrice du balado On s’appelle et on déjeune, ont montré les bénéfices de l’action climatique sur la santé quotidienne des gens.
Invitée à débattre du verdissement des villes, Mélanie Beaudoin a rappelé qu’une ville plus verte réduit les maladies chroniques et qu’un couvert forestier incite les gens à marcher davantage ou à faire du vélo.
Elle a également révélé plusieurs statistiques intéressantes sur les bienfaits des arbres en milieu urbain. Alors que la température des îlots de chaleur en ville peut atteindre jusqu’à 12°C de plus que celle des milieux champêtres à proximité, il est facile de rafraîchir l’air avec une végétation appropriée. «On juge qu’un arbre mature est l’équivalent de cinq climatiseurs qui fonctionnent 20 heures par jour», signale-t-elle. Les arbres ont aussi un effet sur la santé perçue. Selon une étude réalisée à Toronto, l’ajout de 10 arbres dans un quartier permet aux gens de se sentir sept ans plus jeunes.
De la même façon, Étienne Grandmont a montré qu’un meilleur aménagement du territoire aurait des répercussions directes sur la santé. L’éparpillement des services et du logement dans une région amène les gens à délaisser les modes de transport actifs et collectifs au profit de l’auto.
«Nos villes sont des environnements obésogènes, déclare-t-il. Les chances de trouver de l’obésité chez les personnes augmentent de 6% par heure passée en auto par jour. Or, c’est un enjeu de santé publique important puisque la consommation additionnelle de médicaments et la plus grande fréquence de l’invalidité causées par l’embonpoint ont représenté un coût de 1,4 milliard au Québec en 2011.» À titre de comparaison, ce sont près de 80% des déplacements qui sont faits en auto à Québec, alors que 40% sont faits à vélo à Amsterdam et 33% à pied à Zurich.
De son côté, Catherine Lefebvre, après avoir discuté des bienfaits de l’alimentation durable, a insisté sur le fait que la prise de conscience écologique ne doit pas se traduire en écoanxiété. «Soyez imparfaits. Laissez-vous le droit d’être imparfaits. Dans cette obsession de tout faire en même temps, peut-être que la montagne est trop haute et qu’on fige devant le défi. On peut faire des petits pas à la fois. Chaque fois, ce sont de petites réussites qui encouragent à aller de l’avant. Ça amène un regard plus honnête et bienveillant dans cette grande action climatique.»
Aborder le sujet autrement
Les étudiantes et étudiants derrière la campagne souhaitent sensibiliser les gens de diverses façons. «La pandémie a un peu freiné les activités du groupe, qui prévoyait une campagne avec une participation active du public. À côté des activités sérieuses de transfert des connaissances, on voulait organiser des activités plus ludiques, comme des quiz et des jeux. Éventuellement, on veut solliciter l’enfant en chacun de nous», explique Martin Roberge, étudiant au doctorat en sciences infirmières.
D’ailleurs, afin de s’engager dans une avenue plus légère et artistique, le comité organisateur a aussi invité le slameur Dominique Sacy à composer et à réciter une œuvre pendant la table ronde. L’illustratrice Mylène Choquette a aussi participé à l’activité en représentant graphiquement, en temps réel, le contenu de la discussion. «C’est une belle façon de présenter les thèmes sous une perspective différente», affirme avec enthousiasme Martin Roberge. Le groupe espère maintenant pouvoir présenter ces graphiques ainsi que d’autres activités, sérieuses ou ludiques, dans un kiosque à l’occasion du prochain Congrès de l’Acfas.
«Il faut sensibiliser, encore et encore. L’objectif du groupe est de faire croître le mouvement vers le changement. Malgré toutes les campagnes de sensibilisation, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. On souhaite donc entraîner le plus de gens possible avec nous, en abordant le sujet sous toutes ses facettes et en employant divers moyens pour toucher les gens et induire les changements nécessaires», conclut Martin Roberge.
Ressources
Visionnez la table ronde «Sauver le climat pour sauver des vies», tenue le 9 février.
Visionnez la table ronde «L’action climatique, c’est bon pour notre santé», tenue le 16 mars.
Pour en savoir plus sur la Chaire Littoral : https://www.littoral.chaire.ulaval.ca/
Pour en savoir plus sur la campagne Climat, Santé, Action! : https://www.littoral.chaire.ulaval.ca/csa/