L’évaluation d’impact sur la santé (EIS) est l’une des nouvelles approches qui s’arrime au concept de santé durable. Cet outil permet d’anticiper les effets d’un projet sur la santé, la construction d’un immeuble ou l’aménagement d’un parc par exemple. Regard sur cette initiative encore embryonnaire au Québec.
Il suffit parfois de bien peu pour qu’un projet ai un impact positif sur la santé et le bien-être des usagers. L’installation de quelques bancs près d’un abribus pour que les gens puissent s’asseoir ou socialiser pendant qu’ils attendent ou un meilleur éclairage des sentiers pédestres pour accroître la sécurité une fois la nuit tombée.
C’est à ce genre de détails que s’attardent les spécialistes en évaluations d’impact sur la santé (EIS) comme Alexandre Lebel, professeur agrégé à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec au sein de la Plateforme d’évaluation en prévention de l’obésité. «Une EIS, en résumé, c’est une approche prospective qui sert à estimer les impacts potentiels d’une politique ou d’un projet sur la santé et le bien-être, explique-t-il. Le projet en soi n’a pas besoin d’avoir un objectif santé. Par exemple, on peut analyser un programme particulier d’urbanisme (PPU) par la lorgnette santé, pour voir quels déterminants sociaux de la santé seront impliqués et si les impacts affecteront des sous-groupes, positivement ou négativement.»
Il faut savoir lire entre les lignes, en somme. L’objectif est de prévoir les conséquences des décisions prises afin d’éviter qu’elles ne fassent augmenter les inégalités sociales de santé.
«L’EIS donne l’opportunité aux promoteurs de mieux comprendre l’impact d’un projet et, à l’échelle politique, on apporte de nouvelles informations aux bonnes personnes, au bon moment. C’est bien que ce soit fait en amont», souligne Alexandre Lebel.
Vaut mieux prévenir que guérir, effectivement.
Ce qu’on cherchera entre autres à obtenir dans un projet d’aménagement qui respecte la santé des usagers est multiple: réduire l’exposition aux polluants, améliorer la mobilité, diminuer la pollution sonore, faciliter l’accès à des infrastructures sécuritaires qui favorisent un mode de vie actif, proposer des espaces qui encouragent le développement de liens sociaux, etc.
Les EIS commencent à essaimer
C’est en aménagement du territoire que l’EIS est le plus utilisée à l’échelle mondiale. Au Québec, où les commandes viennent pour l’instant des directions régionales de santé publique, l’approche en est encore à ses balbutiements.
Le premier projet pilote été mené en Montérégie en 2007-2008. Dans la capitale, l’EIS a été utilisée pour la première fois dans l’élaboration du projet de l’Écoquartier D’Estimauville en 2016, et la plus récente concerne le parc de la Pointe-aux-Lièvres (2020). Actuellement, diverses EIS sont en production dans la province, notamment en lien avec le Plan de mobilité durable du territoire de Shawinigan, le réaménagement du centre-ville de Granby et la revitalisation du secteur Rimouski-Est.
«Pour le moment, nous sommes très peu à mener des EIS au Québec, dit Alexandre Lebel. Il manque de savoir-faire. Au Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD), on a récemment reçu une subvention qui vise à développer une formation destinée aux étudiants et aux chargés de projet dans les municipalités. Je me donne le défi de développer une petite pédagogie pour que les intervenants aient le réflexe de voir dans les objectifs de santé publique les objectifs de développement durable, et inversement. Il faut changer la façon de penser, éviter les silos. Il serait avantageux d’adopter une approche interdisciplinaire pour planifier les projets, et d’en réaliser l’implantation de façon intersectorielle.»
Dans le développement d’un milieu de vie, il ne faut jamais perdre de vue la dimension humaine.
Ressources
Pour en savoir plus sur les évaluations d’impact sur la santé (EIS) : https://www.inspq.qc.ca/eis
Les rapports des EIS effectuées sur des secteurs de la Capitale-Nationale sont disponibles ici : https://evaluation-prevention-obesite.ulaval.ca/publications/rapports/
Les rapports des EIS effectuées ailleurs au Québec sont disponibles ici : http://extranet.santemonteregie.qc.ca/sante-publique/promotion-prevention/eis.fr.html