Les jeunes et l’intersectorialité

25.07.2022  -  
Samira Amil

SÉRIE Partenariat citoyen en contexte de projets intersectoriels (1/3) 

Travailler avec les citoyens est une obligation dans tout pays démocratique ou dans tout pays qui se dit démocratique

Le dialogue des savoirs est un pilier majeur d’une démocratie participative et la pierre angulaire pour bâtir une société des savoirs. Dans les faits, quand on travaille ensemble, il y a une transmission des savoirs et des interactions discrètes ou évidentes entre les savoirs et la société. Chaque membre de la société a son expertise unique dans son domaine et, en travaillant ensemble, on peut mettre en commun ces expertises.

Cependant, il y a une règle d’or à respecter : «Lorsqu’on fait l’intersectorialité, on doit apprendre à travailler ensemble tout en respectant les valeurs de chaque partie prenante. C’est fondamental!» souligne l’animatrice de la table ronde, Mme Joyce Dogba.

Actuellement, l’intervention directe des citoyens et des citoyennes dans les prises de décisions politiques est au cœur des débats dans le secteur de la santé. Mais qu’en est-il de l’implication des jeunes? Est-elle facile et sans embûche ?

Participantes et participants de la table ronde  » Défis du partenariat citoyen et de l’intersectorialité des projets : comment faire AVEC les citoyen(ne)s  » animé par Maman Joyce Dogba.

L’intersectorialité, c’est quoi?

Invitée à la discussion de groupe en tant qu’experte des politiques d’évaluation et de la participation citoyenne aux politiques publiques, Mme Pernelle Smits, professeure à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, a présenté les défis du partenariat intersectoriel, particulièrement avec et pour eux les jeunes.

Tout d’abord, qu’entend-on par intersectorialité? L’intersectorialité s’incarne lorsque des organisations de différents secteurs ou des groupes de domaines d’intérêt différents agissent ensemble dans un but collectif. Ces secteurs peuvent appartenir aux secteurs publics, philanthropiques ou privés, qui peuvent être aussi bien des entreprises, des groupes citoyens ou encore des équipes de service ou de recherche , c’est aussi le rapprochement entre un secteur comme la santé avec l’agriculture ou l’économie, explique Mme Smits.

L’intersectorialité pour une professionnelle de la santé peut se retrouver quand elle travaille avec un jeune ayant un problème de santé et qui vit dans un environnement toxique. Pour prendre en charge ce jeune, la professionnelle devra interagir avec son jeune patient, évidemment, peut-être avec des membres de sa famille, et avec des spécialistes d’autres domaines tels que la pédiatrie et la toxicologue.

Impliquer les jeunes dans les politiques de santé

« Il y a un énorme défi d’introduire et d’augmenter la participation des jeunes, de tous les citoyens en fait, d’une façon authentique » souligne-t-elle. Selon elle, « pour donner les meilleurs services aux jeunes, ça nécessite souvent de travailler ensemble. Ça implique une collaboration entre les jeunes et les administrations publiques, évidemment, mais aussi les administrations publiques entre elles. »

Mme Smits souligne une discordance au Canada entre le devoir démocratique et l’ancrage de la participation authentique dans les pratiques managériales. Elle déplore que les jeunes, censés bénéficier de toutes ces politiques, soient peu impliqués pour créer la politique elle-même, encore moins pour la suivre, ou pour la mesurer.

Le Québec adhère tout de même à certaines initiatives pour mobiliser les jeunes au-delà de la politique jeunesse. Par exemple, chaque année la Chambre des communes et l’Assemblée nationale offrent de emplois aux jeunes de 16 ans et plus pour s’initier, s’intéresser et s’impliquer dans les politiques. Le programme «Municipalité amie des enfants» par exemple est une reconnaissance offerte aux villes qui offrent des mécanismes aux jeunes pour qu’ils puissent donner leurs idées sur le territoire où ils vivent. Parmi les projets, on retrouve des conseils jeunesse ou des boites à idées ou via des tournées des maires dans les écoles. Cependant, ces initiatives ne sont pas considérées par plusieurs chercheurs comme des implications citoyennes au sens propre du terme, mais plutôt de simples consultations.

À l’échelle mondiale, il a été constaté que les jeunes s’impliquent avant tout dans les politiques et les actions publiques dans le secteur de l’éducation, à travers leur parcours scolaire. Leur implication se concentrant principalement sur l’amélioration de programmes d’étude et la décision sur des initiatives parascolaires. Toutefois, l’implication des jeunes semblent quasi absents dans des secteurs publics qui pourraient susciter leurs intérêts (violence conjugale, itinérance, etc.). De ce fait, il est primordial de trouver des stratégies pour les impliquer davantage. On peut penser que le virage numérique va favoriser une implication plus large des jeunes, mais il a été constaté que les technologies ne sont pas utilisées de façon stratégique pour mobiliser leur participation ni pour les impliquer dans la prise des décisions mais principalement sur un mode instrumental pour recueillir des avis.

Différents niveaux d’implication

Mme Smits explique que pour améliorer les politiques publiques dans lesquelles les jeunes sont impliqués, une des voies est de mesurer leur implication par des indicateurs qui intéressent ce groupe de la population. Pour mesurer le degré de participation des citoyens dans des affaires publiques, et suivre leur degré d’implication dans le projet, il existe un outil appelé

Cette échelle comprend trois niveaux. Dans chaque niveau, il y a plusieurs barreaux ou échelons, et chaque barreau mesure le pouvoir du citoyen. Au fur et à mesure qu’on gravit les barreaux, on passe d’un niveau moins participatif à un niveau plus participatif.

  • les deux premiers barreaux (manipulation, éducation) situés en bas complètement représentent le niveau de non-participation.
  • Les échelons 3, 4 et 5 correspondent au niveau de la coopération symbolique. Les échelons 3 (information) et 4 (consultation) permettent aux citoyens d’entendre et de se faire entendre et même, à l’échelon 5 (réassurance ou nomination), de donner des conseils sans qu’il y ait une assurance que leurs idées, leurs opinions et leurs avis seront pris en compte par décideurs.
  • Les échelons 6, 7 et 8 correspondent au niveau dit pouvoir effectif des citoyens et comprennent des degrés croissants d’influence sur la prise de décision. À l’échelon 6 (partenariat), les citoyens peuvent établir des partenariats et négocier avec les décideurs. Au somment de l’échelle, les citoyens détiennent un pouvoir majoritaire par délégation (échelon 7 : délégation de pouvoir) ou encore les pleins pouvoirs (échelon 7 : contrôle citoyen).

Il est à noter que la compréhension et la mise en application de cette échelle varient d’un secteur à un autre ce qui constitue un enjeu supplémentaire à l’implication citoyenne dans le cadre de projets intersectoriels.

Ce qu’il faut retenir, c’est que pour atteindre des bénéfices à long terme, la participation citoyenne peut être mise en œuvre à différents niveaux et les personnes concernées par l’enjeu en question doivent être impliquées tant dans la planification, l’implantation que la mesure de ces politiques.

Qu’ils soient jeunes ou non!

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La table ronde «Défis du partenariat citoyen et de l’intersectorialité des projets : comment faire AVEC les citoyens», tenue dans le cadre du Colloque La santé durable : vecteur d’un projet de société du 9 mai 2022, a permis de présenter trois perspectives concernant les défis du partenariat citoyen en contexte de projets intersectoriels. La table ronde était animée par Maman Joyce Dogba, Professeure agrégée à la Faculté de médecine de l’Université Laval.

Ressources

Pour en savoir plus sur le colloque La santé durable : vecteur d’un projet de société : https://lasantedurable.ca/news/acfasc13-colloque-sante-durable/

Pour en savoir plus sur les travaux de recherche de Pernelle Smits : https://www4.fsa.ulaval.ca/enseignant/pernelle-smits/

 

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