Une équipe de recherche met en lumière un moyen de ralentir l’évolution la dystrophie cornéenne endothéliale de Fuchs, une maladie oculaire dégénérative
La dystrophie cornéenne endothéliale de Fuchs, une maladie oculaire dégénérative, entraîne une baisse de la vision progressive pouvant mener à la cécité. Elle est la première cause de greffe de la cornée, mais la rareté des greffons freine son traitement. Une équipe de recherche de l’Université Laval et de l’Université de Montréal met en lumière un moyen de ralentir l’évolution de la maladie, et même d’éviter la greffe si la dystrophie est diagnostiquée assez tôt.
Chez les personnes atteintes de la dystrophie de Fuchs, les cellules de l’endothélium situées à l’arrière de la cornée meurent plus rapidement que chez les personnes saines. «Tout le monde en perd à un rythme lent, assez lent pour se rendre à la fin de notre vie sans problème. Chez les personnes malades, la déplétion est accélérée par des facteurs encore incompris au niveau moléculaire. Comme les cellules ne se divisent pas, elles ne sont pas remplacées», rapporte Patrick J. Rochette, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, qui a mené l’étude.
Ces cellules endothéliales jouent un rôle essentiel dans la vision. Elles s’assurent que la cornée reste transparente en la gardant partiellement déshydratée. Lorsque ces cellules meurent, la cornée s’humidifie et s’opacifie, ce qui peut mener à un aveuglement complet.
Dans une étude précédente, l’équipe de recherche a démontré que les mitochondries, les usines énergétiques des cellules, occupaient une place centrale dans la maladie. «Chez les personnes atteintes, les mitochondries s’épuisent rapidement, ce qui entraîne la mort de la cellule. Plus les cellules meurent, plus les mitochondries des autres cellules doivent compenser. Ça accélère leur épuisement. C’est un cercle vicieux», explique Patrick J. Rochette.
Diminuer le taux de mortalité
L’équipe de recherche s’est demandé si l’injection de mitochondries saines dans les cellules pouvait retarder la progression de la dystrophie de Fuchs. Pour tester leur hypothèse, les scientifiques ont utilisé les endothéliums malades retirés lors d’une greffe cornée. «Nous avons été en mesure de sauver des cellules proches de la mort, passant d’un taux de mortalité de 60% à 10%», souligne le professeur Rochette. Ces résultats démontrent un potentiel thérapeutique fort pour l’injection de mitochondries.
La force de cette approche réside dans le recyclage automatique des mitochondries malades, sans avoir à injecter les saines directement dans la cellule. «Les cellules mangent les mitochondries comme si leur vie en dépendait. N’importe quelle cellule, même si elle est en train de mourir, va les absorber. Le remplacement se fait de lui-même et, au bout de 24 heures, il ne reste que les mitochondries saines», précise le chercheur.
Dans l’étude, les mitochondries saines étaient produites en culture, mais le groupe de recherche met actuellement au point une approche permettant de les extraire à partir du sang du patient lui-même.
Si la dystrophie de Fuchs est détectée à un stade précoce, alors que la majorité des cellules endothéliales sont encore vivantes, l’approche pourrait permettre de conserver la vision à un seuil acceptable, sans avoir besoin d’une greffe. L’injection de mitochondries serait une procédure bénigne, beaucoup moins invasive qu’une chirurgie.
Cette étude a été publiée dans la revue scientifique Scientific Reports. Les signataires sont Sébastien Méthot, Stéphanie Proulx et Patrick J. Rochette, de l’Université Laval, et Isabelle Brunette, de l’Université de Montréal.