Premier texte lauréat du concours de vulgarisation scientifique du Centre de recherche sur le cancer de l’Université Laval
Le Centre de recherche sur le cancer de l’Université Laval a organisé en 2023 son premier concours de vulgarisation scientifique. ULaval nouvelles vous présente le fruit du travail des deux lauréates. Voici le texte de Cynthia Mbuya-Bienge, étudiante au doctorat en épidémiologie sous la supervision du professeur Hermann Nabi.
Aujourd’hui, nous aurions célébré le 49e anniversaire de ma tante Maria. Cette femme pleine de vie nous a malheureusement quittés l’année dernière à la suite d’un cancer du sein. Dans son cas, les possibilités de traitement étaient limitées, car les cancers du sein diagnostiqués à un stade avancé ont moins de chance d’être traités avec succès comparativement à ceux diagnostiqués à un stade précoce.
Afin de réduire la mortalité par cancer du sein et d’améliorer les choix de traitements, le dépistage par mammographie est offert aux Canadiennes âgées de 50 à 74 ans tous les 2 ou 3 ans. Cependant, pour ma tante, comme pour près de 17% des cas de cancer du sein, son cancer est survenu avant l’âge de 50 ans. De ce fait, elle n’était pas d’emblée admissible aux programmes de dépistage populationnels actuels, qui se basent essentiellement sur l’âge.
Pourtant, il est bien connu que certaines personnes présentent différents facteurs qui augmentent considérablement leur risque de développer un cancer du sein, même à un jeune âge. C’est notamment le cas de petites variations dans une molécule présente dans nos cellules, l’ADN.
L’ADN est le manuel d’instruction qui fait fonctionner harmonieusement le corps humain. Chacun de nous est unique, car ce manuel utilise parfois différents mots pour écrire ces instructions. Ces dernières, qui sont en fait les gènes, étaient à la fois responsables de traits distinctifs de ma tante tels que la couleur noire de ses cheveux, mais aussi de sa plus grande prédisposition au cancer du sein.
L’arrivée de nouvelles technologies a permis de déterminer la composition de chaque gène et d’y détecter certaines variations. De façon isolée, ces variations ont peu d’effet sur la santé. Toutefois, si l’on combine l’effet de toutes ces variations, elles peuvent influencer de manière importante le risque de développer certaines maladies, dont le cancer du sein.
Hormis l’ADN, d’autres facteurs individuels sont à prendre en compte pour évaluer le risque de cancer du sein. Il ne faut pas oublier que si l’on déroulait complètement l’ADN de toutes nos cellules, sa longueur totale ferait presque deux fois le diamètre du système solaire. Il est donc difficile de découvrir tous les mystères cachés dans l’ADN de chacune des cellules du corps humain. Ainsi, il faut aussi se baser sur d’autres facteurs moins complexes à observer. On s’intéresse entre autres aux antécédents familiaux de cancers, à l’indice de masse corporelle, à la taille et à des habitudes de vie comme la consommation d’alcool.
Pour qu’une évaluation du risque de cancer soit complète, il doit également y avoir une évaluation clinique pour déterminer la densité mammaire et le taux de certaines hormones. Alors, en mettant en commun tous ces facteurs et en les incorporant dans un modèle de prédiction qui peut prendre la forme d’une simple application sur un ordinateur, nous pouvons avoir une estimation assez précise du risque qu’une femme développe un cancer du sein au cours de sa vie.
C’est pourquoi dans notre projet de recherche, nous cherchons à soutenir l’implantation d’un programme de dépistage basé sur une estimation individuelle du risque de cancer du sein. Ce type de programme permettrait d’adapter le dépistage en fonction de la catégorie de risque de chaque personne soit en le commençant plus tôt ou en l’offrant plus souvent. Grâce à cette approche, d’autres femmes aussi jeunes que ma tante Maria ou qui sont plus à risque pourront profiter d’un dépistage personnalisé et améliorer leur chance de survie.