Pour atténuer la tempête de cytokines qui cause la détresse respiratoire, il faut cibler les molécules pro-inflammatoires présentes dans les poumons et non celles détectées dans le sang
On ne peut pas déduire ce qui déclenche l’hyper-inflammation des poumons des personnes sévèrement atteintes de COVID-19 à partir de ce que l’on mesure dans le sang. Il faudrait tenir compte de ce fait si l’on espère concevoir des médicaments efficaces pour réduire la morbidité et la mortalité chez les gens exposés à la tempête de cytokines déclenchée par la COVID-19.
C’est la conclusion à laquelle arrivent des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université Laval et de l’Université de Rabat après avoir comparé les molécules pro-inflammatoires présentes dans le sang et dans les poumons de 45 personnes chez qui la COVID-19 avait nécessité une intubation.
Leurs analyses, qui viennent de paraître dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology, montrent que:
- Les concentrations des molécules pro-inflammatoires détectées dans le sang des malades diffèrent de celles mesurées dans leurs poumons.
- La corrélation entre la concentration sanguine et la concentration pulmonaire d’une même molécule pro-inflammatoire est faible.
- Les concentrations de molécules pro-inflammatoires sont plus élevées dans le sang que dans les poumons. Seule exception, les protéines CXCL1 et CXCL8 ont des concentrations au moins 30 fois plus élevées dans les poumons que dans le sang.
« Les molécules CXCL1 et CXCL8 sont probablement les principales responsables de l’exacerbation de l’afflux de leucocytes dans les poumons des malades, analyse le responsable de l’étude, Louis Flamand. C’est cet afflux qui provoque la congestion des alvéoles empêchant les personnes atteintes de COVID-19 de bien respirer. »
Les résultats de cette étude expliqueraient pourquoi la recherche de médicaments pour contrer la tempête de cytokines a donné des résultats décevants jusqu’à présent.
« Par exemple, en début de la pandémie, on avait observé une augmentation de la concentration d’interleukine-6 dans le sang des malades. Les tests effectués avec des médicaments qui bloquent cette molécule pro-inflammatoire avaient produit des résultats neutres ou négatifs, rappelle le professeur Flamand. On comprend mieux pourquoi aujourd’hui. Ce que l’on observe dans le sang ne reflète pas ce qui se passe dans les poumons. Des médicaments qui ciblent les protéines CXCL1 et CXCL8 auraient de meilleures chances d’améliorer l’état de santé des malades. »
L’étude est signée par Younes Zaid, de l’Université de Rabat, Étienne Doré, Isabelle Dubuc, Olivier Flamand, Éric Boilard et Louis Flamand, du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, et Anne-Sophie Archambault, Michel Laviolette et Nicolas Flamand, du Centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.