Et si la solution au cancer était en partie dans notre assiette?

22.12.2023  -  
ULaval Nouvelles

Second texte lauréat du concours de vulgarisation scientifique du Centre de recherche sur le cancer de l’Université Laval

Le Centre de recherche sur le cancer de l’Université Laval a organisé en 2023 son premier concours de vulgarisation scientifique. ULaval nouvelles vous présente le fruit du travail des deux lauréates. Voici le texte de Naomie Linteau, étudiante à la maîtrise en médecine moléculaire, sous la supervision du professeur Jean-Philippe Lambert.

Le corps humain est composé de milliards de cellules contenant toutes le même code génétique. Ce code, l’ADN, est comme le texte d’un grand livre d’instructions assurant le bon fonctionnement des cellules. Pour savoir quelles régions de l’ADN utiliser, des marques y sont apposées, lues et retirées, un peu à la manière de signets permettant de mieux nous y retrouver. Ce sont des marques dites épigénétiques.

Ces marques épigénétiques peuvent être influencées par nos habitudes de vie, le stress, l’alimentation, etc. En effet, ce que nous mangeons offre à nos cellules divers nutriments essentiels à leur survie. Notamment, le métabolite acétyl-CoA, issu de la digestion, est nécessaire à la production d’une marque épigénétique bien précise: l’acétylation.

Les marques d’acétylation sont reconnues par des lecteurs épigénétiques afin de pouvoir appliquer les instructions de l’ADN qui y sont rattachées. Cependant, il arrive que les marques épigénétiques soient particulièrement mal posées et à des endroits inadéquats, pouvant donner aux cellules dérégulées des caractéristiques cancéreuses. Par exemple, trop d’acétylation sur des instructions favorisant la multiplication incontrôlée des cellules peut avantager la progression du cancer.

Par conséquent, une stratégie pour empêcher la progression de certains cancers est de bloquer les lecteurs épigénétiques afin d’éviter que les instructions associées aux régions de l’ADN marquées ne soient exécutées. Malheureusement, les traitements chimiques utilisés à cette fin causent des effets secondaires indésirables, tels que la diarrhée et une quantité anormalement basse de plaquettes sanguines, essentielles à la cicatrisation.

Dans le but de diminuer les effets secondaires des traitements bloquant les lecteurs épigénétiques, je m’intéresse à reproduire l’effet de ces traitements par la nutrition. Ainsi, j’établis des modèles me permettant d’étudier l’impact de l’alimentation sur l’épigénétique et le cancer. Plus précisément, je crée des clones de cellules modifiées génétiquement dans le but de bouleverser leur production du métabolite acétyl-CoA.

En temps normal, les cellules produisent l’acétyl-CoA à partir du sucre. En coupant leur capacité à en produire de cette façon, je les force à utiliser d’autres nutriments pour compenser. C’est comme lorsqu’il n’y a plus de bœuf haché à l’épicerie, nous pouvons acheter du tofu ou des lentilles pour remplacer la viande dans nos spaghettis. D’autres sources connues pour produire l’acétyl-CoA sont l’acétate, fréquemment utilisé comme agent de conservation de la nourriture, et les acides gras, notamment présents dans les huiles. Je m’assure présentement de bien comprendre ces différentes façons de produire l’acétyl-CoA afin de mieux contrôler l’acétylation et la multiplication des cellules à partir de ces nutriments.

Une fois mes modèles établis et compris, je vais étudier l’effet d’une faible disponibilité en acétyl-CoA sur le cancer. Je cherche à déterminer les régions de l’ADN qui seront acétylées en priorité dans ces conditions dans le but d’identifier des sites d’acétylation ayant le potentiel d’être impliqués dans l’initiation et le développement de certains cancers. Au terme de mes recherches, j’espère prouver qu’une diète réduisant l’acétyl-CoA adoucirait certains traitements permettant de combattre le cancer.

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